Interview – Tarmac Technologies : « Nous optimisons les opérations au sol grâce à une plateforme commune de données »
Le digital et la valorisation des données qui en découle se développent dans tous les secteurs. Et pour cause ! C’est aujourd’hui une source majeure de croissance et d’amélioration continue des activités, y compris dans l’aérien. Encore faiblement digitalisées, le suivi automatisé des opérations au sol autour de l’avion devient un véritable enjeu pour les aéroports, les gestionnaires et les compagnies en quête de nouveaux leviers de performance. L’un des partenaires de Hub One a mis au point un outil innovant, AGOA (Aircraft Ground Operation Assistant) qui facilite l’échange d’informations entre les parties prenantes. Rencontre avec Anthoine Dusselier, l’un des fondateurs de la start-up française, Tarmac Technologies.
- Pourquoi avoir créé Tarmac Technologies ?
- Comment expliquer la faible digitalisation des opérations au sol et l’engouement des aéroports à s’y intéresser aujourd’hui ?
- Quelles améliorations majeures ont pu être déployées grâce à la solution Tarmac Technologies ?
- Quelles perspectives apporte-t-elle pour demain ?
- Ce qu’il faut retenir :
Pourquoi avoir créé Tarmac Technologies ?
Anthoine Dusselier. Le secteur aérien a subi de nombreuses transformations technologiques, environnementales et économiques ces 20 dernières années. La digitalisation est notamment un des enjeux stratégiques majeurs de la plupart des acteurs aériens. Mais, aussi étonnant que cela puisse paraître, les opérations au sol sont encore peu numérisées, alors que le Turnaround time (ou temps de rotation) impacte directement les performances des compagnies et des aéroports.
Nous avons donc mis au point une solution digitale d’optimisation des opérations au sol entre deux vols qui permet aux compagnies aériennes d’être mises en relation avec les compagnies d’assistance (services de ménage, livraison de plateaux-repas, des valises…) et les aéroports (parking, créneau de décollage ou atterrissage) sur une plateforme commune. Toutes les opérations au sol peuvent être suivies en temps réel par l’ensemble des acteurs concernés. Chacun peut ainsi estimer l’avancée de telle ou telle intervention et ajuster son activité en continu.
Comment expliquer la faible digitalisation des opérations au sol et l’engouement des aéroports à s’y intéresser aujourd’hui ?
A. D. : Il existe de vraies difficultés à digitaliser les opérations au sol, et ce pour différentes raisons. La multitude d’acteurs rend le déploiement d’un outil unique d’accès à l’information très complexe. Sa mise en œuvre prend du temps et les investissements peuvent être lourds. Mais face à un marché aérien de plus en plus digitalisé, les instances européennes poussent les aéroports à initier des projets CDM (Collaborative Decision Making). Cela les engage à se saisir de l’enjeu économique et technologique du sujet pour développer un mécanisme collaboratif de qualité avec les compagnies aériennes et leurs sous-traitants.
Par ailleurs, l’origine des retards de vols – bien souvent côté piste – amène les aéroports à vouloir optimiser le SOBT (Scheduled Off Block Time ou créneau aéroportuaire). Ceci passe par une meilleure gestion des points de parking et des points de contact (embarquement et débarquement) qui impacte toute la chaîne et joue un rôle fondamental dans la satisfaction finale des passagers.
En parallèle, les différents acteurs (compagnies aériennes, sous-traitants et aéroports) partagent l’ambition d’amélioration continue. L’utilisation d’une plateforme commune offre un reporting automatique et délivre des informations utiles pour les contrats de service (SLA – Service Level Agreement) mis en place entre les compagnies et les aéroports. En effet, les aéroports et les compagnies peuvent gagner en transparence dans le déroulé des opérations et en clarté quant à la responsabilité de chaque acteur.
Quelles améliorations majeures ont pu être déployées grâce à la solution Tarmac Technologies ?
A. D. : Notre plateforme permet aux compagnies long-courriers de gagner jusqu’à 1h30 de temps d’agent par vol. Cela démontre que les opérations répétitives peuvent être diminuées en faveur d’opérations à plus grande valeur ajoutée. Par exemple, les agents peuvent davantage se consacrer à la gestion des passagers et conjointement améliorer l’expérience client (moins de retard, meilleurs moyens mis à disposition à l’embarquement ou débarquement, temps passé à l’enregistrement…).
En parallèle, ce type de solution offre un véritable gain économique pour les compagnies. En effet, le déploiement dans des compagnies et des aéroports partenaires a permis d’accroître la ponctualité des avions (On-Time Performance – OTP) d’environ 15% en moyenne. Cet indicateur est un élément phare pour les compagnies aériennes et les aéroports qui œuvrent tous deux pour l’amélioration de l’expérience client et l’accroissement de la fidélisation des passagers.
Quelles perspectives apporte-t-elle pour demain ?
Le principal enjeu du déploiement d’une application commune porte sur le développement des partenariats entre les différents acteurs et l’accès temps réel à certaines données stratégiques. L’automatisation des opérations au sol est un élément phare dans le partage des données. En effet, elle permet d’obtenir un reporting et une analyse pertinente sur l’activité en cours pour anticiper, ajuster et mieux performer.
Nos collaborations avec les compagnies Air France et KLM (pour leurs escales extérieures) et les compagnies Corsair, Air Caraibes et French Bee (pour leur hub à Orly) démontrent l’intérêt grandissant à passer à l’action. Parallèlement, notre partenariat avec le groupe ADP a vocation à favoriser les échanges et l’accès aux données via l’utilisation de capteurs, d’objets connectés 5G ou l’analyse d’images par caméra. Cependant, même si l’innovation permet de belles avancées, cela prend du temps. Certaines technologies ont encore besoin d’être perfectionnées pour gagner en efficacité et précision.
Ce qu’il faut retenir :
La gestion du turnaround est un maillon clé à optimiser pour favoriser la fluidité de l’ensemble de la chaîne aérienne. Les acteurs l’ont compris, les enjeux sont stratégiques. L’automatisation des opérations et la création de partenariats favorables aux partages des données est indispensable. Le déploiement d’une plateforme unique entre les acteurs aériens ne peut fonctionner sans ces transformations.