L’expérimentation, unique point de relance de la 5G industrielle ?

Le rapport de la mission 5G industrielle remis le 3 mars 2022 aux ministres Agnès Pannier-Runacher et Cédric O fait un état des lieux nuancé de la position de la France sur le développement des usages de la 5G. Les déploiements de réseaux privés 5G sont moins nombreux que dans d’autres pays, néanmoins en termes de maturité, la France a mis en place une dynamique d’expérimentations qui démontre de bonnes avancées d’ici 2024.

Comment s’est organisée la mission 5G industrielle ?

Lors des groupes de travail désignés pour la mission 5G industrielle, les travaux se sont concentrés sur l’enjeu de la 5G dans le pilotage des processus de production des industries manufacturières. La notion d’usages de la 5G, de solutions d’accompagnement et de technologies associées seraient les éléments clés pour contribuer à l’accélération de sa mise en œuvre.

Dans le cadre des quatre mois de travaux du groupe de travail de la mission 5G industrielle, des industriels français utilisateurs de la 5G, des acteurs de l’écosystème français et international de la 5G industrielle (opérateurs télécoms, équipementiers, intégrateurs, fournisseurs, experts…) ont été auditionnés. Conjointement aux auditions, le groupe de travail s’est déplacé sur le « 5G Industry Campus Europe », au Fraunhofer Institute for Production Technology d’Aix-la-Chapelle.

Au total, plus de 60 acteurs français et internationaux – dont Hub One – ont contribué à l’aboutissement des conclusions et des recommandations dévoilées dans le rapport de la mission.

Accélération de la 5G industrielle : pourquoi cela prend-il du temps ?

La 5G industrielle : quels enjeux ?

La transition numérique de l’industrie est la pierre angulaire de la 5G industrielle qui répond à l’enjeu de compétitivité et de relocalisation pour l’industrie française. Parallèlement, la 5G s’inscrit aussi dans une profonde transformation des télécoms avec la virtualisation des réseaux mobiles.

Les fonctionnalités et les capacités de la 5G sont pensées et conçues pour des usages professionnels (mobilité, faible latence, internet des objets, etc.). De ce point de vue, les premiers déploiements menés dans d’autres pays du monde démontrent des résultats probants en termes d’efficacité (de 10 à 20% sur les coûts opérationnels, selon la source GSMA, Factory Efficiency 5G Era IoT Use Cases and Benefits, november 2020) et de productivité (de 15 à 30%, selon la même source), dès lors que les processus industriels bénéficient totalement de cette nouvelle connectivité.

L’offre de solutions et services autour des réseaux mobiles, historiquement tournée vers le grand public, doit aujourd’hui s’adresser au marché de l’industrie, aux besoins et modes de fonctionnement multiples. Cela implique un changement de paradigme important sur le marché des télécoms et amène une reconfiguration de la chaîne de valeur du marché, le développement d’infrastructures de réseaux plus ouvertes (interopérabilité des réseaux, connectivité des objets, cybersécurité), virtualisées (IA) et cloudifiées.

En cela, la 5G industrielle n’est pas uniquement tournée sur les infrastructures de réseau, mais sur l’intégration de nouvelles technologies de connectivité dans des contextes industriels variables et complexes.

La 5G industrielle : quels usages ?

La 5G est essentielle au développement de l’industrie du futur. Elle constitue un réel enjeu de compétitivité comme de réindustrialisation. Ses usages sont multiples et répondent majoritairement aux besoins de lignes de production reconfigurables, de maintenance prédictive, à l’utilisation d’AMR et robots collaboratifs, de communication “machine-to-machine” sans fil, d’application faisant appel à la réalité virtuelle ou augmentée.

La 5G industrielle en France : quels freins ?

L’État, les acteurs du marché et quelques industriels ont mis en place une dynamique volontariste d’expérimentations avec 21 plateformes, dont Hub One avec son projet Dev5Gindustrie financé par le gouvernement dans le cadre du plan de Relance et du Programme d’investissements d’avenir à hauteur de 800 k€. En revanche, les industriels français restent en majorité dans une posture « informée », voire « attentiste » vis-à-vis de la 5G.

Le rapport de la mission a identifié sept freins majeurs au déploiement de la 5G dans l’industrie française. Chaque frein identifié fait l’objet de recommandations concrètes :

• L’accès aux fréquences pour stimuler le développement de projets d’usage de la 5G dans l’industrie.
• La nécessité d’accélérer le développement de l’écosystème 5G industrielle en France.
• L’insuffisante disponibilité d’équipements et de services adaptés.
• Le besoin de simplifier et rendre plus accessible la 5G industrielle.
• La difficulté à trouver les bonnes compétences pour déployer la 5G industrielle.
• Les interrogations sanitaires, environnementales et sociétales.
• Le manque de visibilité et de maturité des écosystèmes 5G industrielle français et européens.

Quelles sont les recommandations opérationnelles sur la 5G industrielle ?

Le rapport de la mission 5G industrielle a déterminé 7 recommandations pour identifier une meilleure compréhension et lever les freins au déploiement de la 5G industrielle en France. L’objectif est de développer de nouveaux cas d’usage, de faire émerger des services innovants et d’apporter des solutions adaptées aux industriels.

Les sept recommandations aux freins cités ci-dessus sont les suivantes :

• Recommandation n°1 : Faciliter et élargir l’accès à des fréquences dédiées aux réseaux 5G privés pour les industriels afin de créer un appel d’air pour les projets industriels. Concrètement, deux mesures ont été mises en place par l’ARCEP avec l’ouverture d’un guichet d’expérimentations dans la bande 3,8 – 4,0 GHz et la création d’un portail pour simplifier l’accès à la bande 2,6 GHz TDD pour les réseaux mobiles professionnels.
• Recommandation n°2 : Accompagner et accélérer le partage des cas d’usage de la 5G industrielle, au sein de lieux fédérateurs dédiés à l’industrie, les “Campus Fablab 5G Industrielle“.
• Recommandation n°3 : Stimuler le développement d’offres 5G industrielle « clés-en-main » et dimensionnées pour le marché français. Pour cela, l’État envisage des évènements de mise en relation entre utilisateurs et fournisseurs, appelés “événements de matchmaking”.
• Recommandation n°4 : Replacer la 5G industrielle dans le paysage de l’industrie 4.0 : informer, promouvoir, accompagner tous les acteurs de l’écosystème.
• Recommandation n°5 : Développer une offre de formations et des parcours plus adaptés aux enjeux de la 5G industrielle.
• Recommandation n°6 : Apporter des réponses concrètes aux acteurs de l’écosystème 5G industrielle sur les impacts sanitaires et environnementaux de la 5G.
• Recommandation n°7 : Apporter de la visibilité et accompagner la maturation des acteurs français et européens innovants dans la chaîne de valeur de la 5G industrielle. Dans cette optique, un nouvel appel à manifestation d’intérêt franco-allemand a été lancé, baptisé “Private 5G networks for the industry”.

Convaincu que les expérimentations avec des industriels autour de leurs besoins concrets et la consolidation de partenariats solides avec différents acteurs de la chaîne de valeur (équipementiers, intégrateurs IT, fournisseurs de solutions) sont les clés pour développer à la fois des offres pertinentes et une demande marché, Hub One pourrait être acteur dans la mise en œuvre des recommandations 2, 3 et 7 (source Rapport de la mission 5G industrielle).

Industriels, êtes-vous prêts à vous impliquer dans ces recommandations ?

Si les recommandations de la mission 5G industrielle semblent être une réponse adaptée, seront-elles suffisantes pour déclencher un déploiement d’ampleur des réseaux et solutions 5G privées en France ?

Pour maximiser leur efficacité, l’adage “l’union fait la force” prend toute sa valeur. Un appel aux industriels est lancé pour qu’ils soient plus nombreux à participer à la mise en œuvre des recommandations au travers de leur propre communication, des expérimentations, de l’utilisation voire la participation à la construction d’applications adaptées, etc.

L’enjeu majeur est donc d’identifier les moyens de faire passer les industriels d’une attitude encore trop “attentiste” à une attitude plus “engagée”

Comment maximiser la portée de la sensibilisation des industriels ?

• Faire porter l’information par leurs pairs, et si possible des pairs de toutes tailles et opérant sur des marchés distincts. En effet, il est nécessaire que les early adopters de solutions 5G établissent des apports concrets sur le terrain en partageant leurs cas d’usage, lors d’événements, conférences ou dans le cadre des filières industrielles. De cette manière, la portée du message sera décuplée par rapport à celle d’un équipementier ou d’un opérateur dont le discours, souvent plus générique, sera toujours pris avec précaution !
• Convaincre les fournisseurs de solutions métiers de proposer la 5G comme la connectivité qui supportera leurs solutions dans un contexte industriel. En effet, la 5G doit être vue comme un moyen de résoudre un sujet industriel et non comme un sujet purement technique ou SI. Pour cela, ces fournisseurs ou intégrateurs doivent être eux-mêmes convaincus de l’intérêt de la technologie…

Comment inciter au passage à l’acte ?

• Faciliter les pilotes : réduire le temps des projets (de ce point de vue, la facilitation des démarches vis-à-vis de l’ARCEP est de nature à aider), les coûts des projets en réfléchissant à des infrastructures « light » par exemple, accompagner le client pour lui éviter un saut en termes de compétences dès le PoC, identification de cas d’usages dont le RoI se calcule et se communique clairement.
• Proposer plus de solutions métiers, plus adaptées aux réalités du terrain : tous les acteurs industriels n’en sont pas forcément au même stade de la digitalisation. Certains apprécieront donc de tester des solutions de réalité augmentée, tandis que d’autres seront déjà plus intéressés à résoudre des problématiques de connectivité outdoor par exemple.

L’adoption de la 5G par les industriels est un enjeu de compétitivité pour l’industrie française. Après un démarrage plutôt lent, 2022 doit être l’année des premiers déploiements ou premiers pilotes sur les sites industriels, dans un maximum de régions françaises et de secteurs d’activité. Ce sera probablement l’un des moyens les plus efficaces pour envisager un déploiement d’ampleur au niveau national.