Grand entretien avec Yves Curtat, CEO de Retail Reload : « le click-and-collect impose le suivi temps réel du stock disponible à la vente »

9 septembre 2021

Rencontre

L’engouement des Français pour les services de click-and-collect met de nouveau à jour les difficultés du retail à connaitre réellement l’état de ses stocks. Mais pour Yves Curtat, CEO de la société Retail Reload, l’enjeu ne se situe plus sur la fiabilité des données du stock en magasin dans une optique de réapprovisionnement. Pour optimiser l’expérience achat multicanal des consommateurs, les enseignes du retail doivent se concentrer désormais sur le suivi temps réel de leur stock « disponible à la vente », ce qui est sensiblement différent. Explications.
Le click-and-collect répond aux nouveaux usages ambivalents des consommateurs, entre envie d’acheter en ligne et de se rendre malgré tout en magasin. Le click-and-collect répond aux nouveaux usages ambivalents des consommateurs, entre envie d’acheter en ligne et de se rendre malgré tout en magasin.

Bonjour Yves Curtat. Comment expliquez-vous le succès du click-and-collect dans le retail ?

Le click-and-collect a déjà quelques années, mais c’est vrai qu’il a été dopé par le contexte sanitaire et les fermetures administratives durant les épisodes de confinement. Pour continuer leur activité, la plupart des commerces se sont mis au click-and-collect, du boucher à la marque de luxe, avec un certain répondant d’ailleurs du côté des consommateurs. Le cabinet BCG évaluait ainsi la part d’Internet dans les ventes du luxe aux alentours de 17% en 2025, la prévision vient d’être réévaluée à plus de 30%. Pourquoi un tel succès ? Tout simplement parce que le click-and-collect permet aux consommateurs d’acheter ou de réserver en ligne des produits, tout en satisfaisant leur envie de se déplacer en magasin.

Pourtant il est souvent moins long de se faire livrer à domicile que d’aller retirer son achat en magasin…

C’est vrai que si vous commandez en ligne une veste dans votre boutique préférée du coin de la rue, il arrive très souvent que l’on vous demande de venir la chercher 24 ou 48 heures après. En réalité, ce qui se passe avec le click-and-collect dans la majorité des cas, c’est que le produit existe bien physiquement dans la boutique du coin de la rue, mais celui que vous avez acheté provient d’un entrepôt qui peut se situer à l’autre bout de la France. En soi, ce système n’a pas de sens à plus d’un titre : cela ne répond pas au souhait du client d’avoir son produit le plus rapidement possible, et cela occasionne des frais de préparation, de l’emballage et du transport supplémentaire alors que vous pourriez aller le chercher au coin de la rue.

Comment expliquez-vous que cette organisation soit la plus utilisée par les retailers dans le cas du click-and-collect ?

L’enjeu se situe sur la justesse des stocks en magasin. Le retailer ne peut pas toujours proposer le produit acheté en click-and-collect. Il n’est peut-être pas encore organisé pour préparer des commandes Internet sur des stocks en magasin, et la plupart du temps, les stocks en magasin ne sont pas fiables. Lorsque vous commandez un produit, disponible en de nombreux exemplaires en magasin (donc avec une forte profondeur de stock en magasin), cela ne pose pas vraiment de problème d’en trouver un si vous en avez théoriquement 4 ou 5 dans le magasin.

Le souci se situe plutôt sur les références critiques qui disposent d’une faible profondeur de stock en magasin. Ils existent peut-être dans le stock « théorique » du système d’information, mais le magasin n’est pas sûr de les avoir réellement. Du coup, pour garantir la mise à disposition du produit acheté sur Internet, les retailers ont pris l’habitude de bloquer au niveau de l’entrepôt un certain nombre de références destinées à satisfaire les commandes en ligne.

Quelle solution les retailers pourraient-ils mettre en place pour améliorer le délai de mise à disposition de leur produit ?

Étonnamment, les produits sont les éléments les moins digitalisés du retail. Les enseignes ont digitalisé la relation client, l’achat, le paiement, mais encore peu les produits en tant que tels. Or la technologie existe depuis longtemps. La RFID permet assez facilement d’avoir un stock juste à plus de 99%, alors que les retailers ont en général un stock juste à 80%, plus ou moins 5%. Mais dans le cas du click-and-collect, la justesse du stock en magasin ne suffit pas. Il faut aussi s’assurer que le produit acheté en ligne n’est pas en train d’être essayé en magasin, n’est pas en vitrine ou déjà dans les mains d’un vendeur qui le propose à un client. Le vendeur ne va venir déshabiller le client en cabine sous prétexte qu’il vient d’être vendu sur Internet.

Donc là où l’équation devient compliquée, c’est qu’il faut également suivre la vie du produit à l’intérieur du magasin pour bloquer en temps réel à tout moment sa vente en ligne (entrée du produit en cabine d’essayage, découverte d’un défaut…). Le challenge se situe donc davantage sur le suivi temps réel du stock « disponible à la vente » (qui peut donc être différent du stock détenu magasin), de telle sorte que lorsqu’une commande internet est réalisée, le produit en question soit immédiatement retiré de la vente en magasin pour le mettre immédiatement à disposition de l’acheteur web.

L’enjeu est donc d’être en mesure d’identifier numériquement un produit « unique »…

Tout à fait. La technologie RFID a deux avantages : 1) elle est capable de compter massivement 25 000 produits à l’heure, ce qui permet de réaliser des inventaires plus fréquents et de maintenir un stock détenu en magasin fiable à 99% ; 2) elle est capable de suivre unitairement chaque produit. Alors qu’auparavant il n’y avait qu’un seul code-barres pour les 25 000 pièces de la même taille et de la même couleur, la RFID permet d’attribuer un identifiant unique à chacune. Les deux avantages combinés permettent de suivre à la fois le stock détenu en magasin (à l’exemplaire produit près), et de suivre le changement d’état de chaque pièce : elle rentre en cabine d’essayage, on le sait, un vendeur l’a entre les mains, on le sait, et elle n’est plus disponible à la vente en ligne.

Quelles sont les grandes étapes des projets en traçabilité temps réel des stocks ?

La première étape est une phase de décision, pendant laquelle le retailer doit se forger la conviction qu’il a besoin de suivre ses stocks en temps réel. C’est une étape qui peut prendre du temps, selon le nombre de débats internes et d’arbitrages qui doivent être pris par le retailer, tels que « faut-il investir dans la digitalisation des stocks ou ouvrir davantage de magasins pour la même somme investie ? ».

La seconde étape est d’apposer à la source les tags RFID sur les produits, de modifier le système d’information le cas échéant, et d’équiper les magasins en lecteurs RFID.

La troisième étape est d’accompagner la modification de l’organisation du travail des collaborateurs en magasin, parce que si vous demandez du jour au lendemain aux vendeurs de faire des manipulations supplémentaires pour accueillir des clients click-and-collect, avec un chiffre d’affaires Internet qui n’entre pas dans le chiffre d’affaires magasin, vous risquez d’avoir une levée de bouclier.

Au niveau des systèmes d’information, comment Retail Reload s’intègre-t-il dans les environnements IT des enseignes ?

Effectivement, une fois la technologie RFID installée, l’information la plus fiable sur l’état des stocks est détenue dans la solution Retail Reload. Donc quand un ERP a besoin de savoir ce qu’il y a réellement en magasin, il va venir chercher l’information dans nos solutions grâce à des API. Quand un Order Management System reçoit du site internet une demande pour de click-and-collect, il va aussi interroger nos solutions via des API pour connaitre la disponibilité du produit dans les magasins à proximité de l’internaute. Une fois la commande actée, nos solutions vont envoyer l’information sur les applications mobiles Retail Reload du magasin ou de l’entrepôt choisi pour faire exécuter la préparation.

La complexité du projet n’est pas donc pas vraiment d’ordre informatique ?

Absolument. Notre modèle est du SaaS, il y a quatre cinq intégrations à faire du côté de l’enseigne, avec l’ERP, l’OMS, le WMS, etc. Ce n’est pas vraiment un sujet. La difficulté du projet est plutôt d’ordre organisationnel. L’enseigne doit réussir à convaincre ses fournisseurs de changer leur organisation pour apposer des tags RFID à la source, elle doit parvenir à transformer l’organisation en magasin. Le véritable enjeu n’est pas informatique, il est humain.

Au-delà du click-and-collect, comment voyez-vous l’avenir du commerce en magasin ?

Je pense qu’il faut désormais réfléchir en « scénarii d’achats ». La vision du persona qui aurait un comportement achat unique est dépassée. Un même client peut très bien avoir du temps le mardi pour flâner une heure en boutique et ne pas avoir le temps le mercredi pour faire 15 minutes de queue avant de pouvoir être pris en charge par un vendeur alors que vous savez exactement le produit que vous voulez acheter. En fin de compte, le seul indicateur qui vaille, c’est le Net Promoter Score, c’est-à-dire l’indice de satisfaction client. N’oublions pas que la finalité de la technologie, la finalité de la transformation digitale, c’est avant tout la fidélisation client.

 

Le service click-and-collect de la plupart des enseignes doit encore être optimisé pour diminuer le délai de retrait des produits en magasin, ainsi que les coûts financiers et environnementaux de leur transport depuis les entrepôts. Mais pour cela, le retail doit poursuivre ses efforts autour de la traçabilité de ses produits. Car désormais, au-delà de la fiabilité de l’information sur le stock en magasin, les enseignes doivent désormais être en mesure de connaitre en temps réel la « disponibilité à la vente » de chaque produit, afin de servir aussi efficacement les commandes internet et les achats en boutique.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur les enjeux du click-and-collect et ses leviers d’optimisation ? Contactez les experts Hub One pour obtenir une réponse personnalisée.

 

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Stanislas DE CORDOUE
Stanislas DE CORDOUE

Directeur Business Line Magasin Accueil du Public Frontdoor

Stanislas DE CORDOUE est Directeur du programme Société du Grand Paris au sein de Hub One. Stanislas est un « maker » doublé d’un fervent adepte du Do It Yourself avec à son actif, du gros œuvre, de la menuiserie, mais aussi de la domotique... C’est un autodidacte qui aime se lancer des défis pour continuellement progresser dans sa vie professionnelle et personnelle. Il a aussi une passion pour les échecs qui révèle une personnalité calme et réfléchie. Son gadget préféré, c’est son ordinateur portable. Il l’emmène partout et même en vacances !


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