Décarbonation des énergies : quelles solutions pour le transport de marchandises ?

23 mars 2023

Transport & Logistique

D’ici 2035, l’Europe prévoit l’arrêt des ventes des véhicules thermiques pour les particuliers et on parle de 2040 pour les Poids Lourds. Pour les transporteurs, cela entraîne une problématique énergétique : quelle énergie choisir pour équiper sa flotte de véhicules sans émettre trop de CO2 ? Comment livrer le dernier kilomètre au moindre coût (financier et carbone) ?

La décarbonation des énergies est en marche, reste à choisir la bonne énergie pour le bon usage. La décarbonation des énergies est en marche, reste à choisir la bonne énergie pour le bon usage.

Comme le montre mes récents articles sur la thrombose de la supply-chain mondiale et les conséquences de l’explosion du e-commerce sur le dernier kilomètre, nous sommes à la croisée des chemins en termes sociétal et environnemental.

Lire l’article : “Dernier kilomètre : l’impact du e-commerce sur la logistique du dernier km est-il irréversible ?

Les derniers événements géopolitiques (guerre en Ukraine) ou environnementaux (méga incendies, inondations, sécheresses…) soulignent la nécessité de la décarbonation de notre société. Et ce tout particulièrement pour la mobilité des hommes et des marchandises. Mais alors, quelles sont les alternatives ? L’électrique serait-il la solution miracle ? Peut-on encore avoir une pensée binaire liée à une solution énergétique omnipotente ou devons-nous changer de prisme et réfléchir au combo « quel usage pour quelle énergie ? ».

 

Décarbonation du transport de marchandises : quelles sont les grandes contraintes ?

La transition écologique est un sujet majeur du XXIe siècle. Cependant, en voulant bien faire, l’Europe se trouve face à un paradoxe qui risque de pénaliser à terme la compétitivité des entreprises. Les pays européens se sont en effet dotés des règles environnementales des plus restrictives, alors qu’ils ne font pas partie des acteurs les plus polluants de la planète. Voici deux exemples de décisions qui ont un fort impact sur le transport de marchandises et la livraison du dernier kilomètre.

La mise en place des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m)

Une ZFE-m est un périmètre dans lequel sont mises en place des restrictions de circulation afin de limiter la pollution de l’air. Ces restrictions s’appuient sur le certificat qualité de l’air (Crit’Air) attaché au véhicule, attestant de son niveau d’émissions de polluants. Les véhicules sont ainsi classés en 5 catégories, de la moins polluante à la plus polluante. Actuellement, il y a 11 ZFE en France : Paris, Reims, Rouen, Strasbourg, Lyon, Saint-Etienne, Grenoble, Toulouse, Aix-Marseille, Nice, Montpellier. Parmi nos voisins européens, deux sortent du lot : l’Italie avec 117 ZFE et l’Allemagne qui en compte 87.

 

ZFE-m : est-ce une bonne idée ?

En soi l’idée est louable, mais ce qui l’est moins c’est le manque d’homogénéisation d’une ville à l’autre. En effet, chaque agglomération est autonome dans son choix d’interdire l’accès à ses ZFE à telle ou telle catégorie de véhicule. Ainsi, le même camion de livraison pourra entrer dans certaines villes et se voir interdire la circulation dans d’autres.

Autant dire que pour un transporteur, l’impact sur sa flotte de véhicules sera élevé s’il souhaite rationaliser son accès au maximum de ZFE. Dans le contexte économique actuel, tous n’ont d’ailleurs pas les moyens d’investir dans des véhicules hybrides ou électriques pour remplacer leur flotte. La question se pose également pour les véhicules de chantier ou les camions équipés d’un bloc froid. L’électrique n’est pas suffisant pour alimenter à la fois le moteur du camion et certains équipements, telle qu’une toupie par exemple. Doit-on alors s’attendre à la fin des chantiers dans les ZFE et à l’arrêt des livraisons, en ville, des produits frais et surgelés ?

  • 2035 : arrêt des véhicules thermiques

Les eurodéputés sont arrivés à un accord concernant la fin de la vente de voitures neuves thermiques en 2035. Pour le moment, le débat sur les poids lourds est repoussé, on parle de 2040 et certains veulent y inclure les camions au gaz. Nous voyons bien que la tendance politique est à l’interdiction des véhicules roulant à toutes les énergies fossiles. Or ces décisions sont à leur tour pleines de paradoxes : pourquoi vouloir passer à tout prix du thermique au tout électrique, alors que les batteries sont polluantes à fabriquer et à recycler ?

Par ailleurs, cette promotion du tout électrique comme « solution miracle » n’est pas sans rappeler les discours qui vantaient avec autant de convictions les mérites des autres énergies par le passé : le charbon lors de la première révolution industrielle, puis l’essence/diesel en remplacement du charbon, aujourd’hui l’électrique, et demain… l’hydrogène ?

Depuis le début de la mobilité à moteur, on a toujours pensé de manière binaire avec les énergies. Comme s’il n’y avait qu’une seule solution pour répondre à tous les usages. Pourquoi ? Pourquoi n’y aurait-il à date qu’une seule énergie valable, globale, omnipotente ?

Je suis convaincu que nos enjeux de mobilité actuels, auxquels s’ajoutent les enjeux environnementaux et économiques, nous invitent à penser autrement l’adéquation entre les usages, les besoins et le type d’énergie consommée. Prenons garde aux dogmes absolutistes et de cette tendance à penser en « tout ou rien ». Posons-nous les bonnes questions.

 

Face à ces contraintes, quelles solutions pour les transporteurs ?

Les contraintes réglementaires en matière de pollution émise par les véhicules de transport poussent les transporteurs à chercher des solutions. Celles-ci sont de plusieurs ordres, notamment politiques, métiers ou encore technologiques.

Des pistes à explorer

  • Uniformiser la réglementation des ZFE

On a besoin d’une plus grande cohérence de la réglementation, afin que toutes les agglomérations appliquent les mêmes critères à leur ZFE. La récente nomination d’un Coordinateur National, Edouard Manini (ancien conseiller à l’Eurométropole de Strasbourg en charge des ZFE) montre bien l’urgence d’une pensée globale. Est-ce normal qu’une énergie comme le B100, produite à partir de colza, soit ballotée aux grés des interventions des lobbyistes, tantôt vertueuse et tantôt diabolisée ? Quelle logique d’ensemble, quand les ZFE dépendent de la couleur politique des élus de chaque agglomération ? À l’échelle d’une entreprise de transport et de livraison, il est difficile de constituer une flotte rentable de véhicules (et des itinéraires optimaux du point de vue de la consommation énergétique) avec autant de variables à prendre en compte et des règles changeantes d’une ville à une autre.

  • Tenir compte de tous les enjeux urbains, y compris ceux de la livraison

Des échanges sous forme de tables rondes se mettent en place à l’échelle locale. Mais le risque est de reproduire les problèmes d’harmonisation entre les territoires. Il est impératif d’avoir une vision globale, non manichéenne, pour continuer à initier des consultations des différentes parties prenantes de la mobilité urbaine (dont les transporteurs) pour parvenir à des modèles tenant compte de l’ensemble des enjeux de la population (citoyens, consommateurs, commerçants, entreprises, etc.) à l’échelle du pays.

Trop d’élus, pensent encore, que la solution est de ne passer que par des petits véhicules de livraison, mais c’est sans compter les réalités de l’optimisation nécessaire des livraisons.

En effet, l’explosion du e-commerce et des volumes en livraison, sont une tendance lourde. Est-ce à dire que nos chères têtes pensantes ne voient pas que la réduction de la taille des moyens de livraison va conduire à une augmentation, plus que proportionnelle, du nombre de véhicules et participer, de fait, à la saturation de nos centres-villes ?

Certaines agglomérations (comme Nantes, Chartres ou Montrouge) ont ou vont lancer des expériences pour centraliser la gestion des livraisons urbaines à un seul prestataire. Si cela peut conduire à une plus grande optimisation des livraisons, cela ne résout pas le problème de la taille des véhicules et de leur capacité de chargement. De manière plus large, donc, après les WMS (Warehouse Management System) pour la logistique, les TMS (Transport Management System) pour la gestion des plans de transport, apparaît la nécessité des DMS (Delivery Management System) permettant d’avoir une gestion fine de la livraison et de l’expérience client, auxquels vous pouvez adjoindre la gestion et la collecte des emballages.

  • La gestion de flotte partagée et/ou pilotée par la donnée

Aujourd’hui, beaucoup de véhicules professionnels ne sont pas la propriété des sociétés. Cela permet de diminuer les immobilisations financières et une plus grande agilité pour s’adapter à l’usage. Certains transporteurs optent pour du leasing et de la location longue durée, pour une partie de leur flotte. Certains acteurs des secteurs comme l’aéroportuaire ou l’agriculture pratiquent également le partage de véhicules, lorsqu’ils ont tendance à être sous-exploités. Le leasing ou la location des véhicules permet donc une plus grande flexibilité des flottes.

Cette optimisation est renforcée avec l’intégration des nouvelles technologies. L’analyse des données véhicules, les systèmes d’optimisation d’itinéraires, les comparateurs d’impact carbone ou les plateformes de gestion de flottes partagées permettent d’adapter au mieux le choix du véhicule à l’usage souhaité.

Adapter le type d’énergie à l’usage : LA solution ?

Plutôt que d’opposer les énergies entre elles, la solution ne serait-elle pas de se poser d’abord la question de l’usage, puis du type d’énergie le mieux adapté pour y répondre ? Cependant, pour atteindre cette vision optimiste d’une mobilité au mix-énergétique pensé pour l’usage, encore faut-il réussir à développer un certain nombre d’énergies complémentaires.

  • L’hydrogène

Pour moi, l’hydrogène reste une solution d’avenir. En termes énergétiques, il a un pouvoir comparable à celui de l’essence ou du gazole. Mais il faut pour le moment consommer plus d’hydrogène que d’essence pour faire autant de kilomètres. Il y aussi les problématiques de son stockage (il est corrosif) et du coût écologique de sa fabrication. Cela nécessite encore énormément d’électricité.

Cependant des expérimentations sont en cours. Le leader mondial du transport maritime danois, Maersk, va mettre en place un centre de production d’hydrogène pour pouvoir alimenter ses bateaux. Il souhaite remplacer le fuel lourd utilisé actuellement et très polluant. En Espagne, deux sites produiront du méthanol vert à grande échelle d’ici 2030. Cela permettra à l’armateur danois d’alimenter 10% de sa flotte. Pour alimenter les sites de production, Maersk va construire entre
20 et 80 parcs éoliens et photovoltaïques.

  • L’électrique

Présenté comme la solution miracle du moment, l’électrique n’en reste pas moins limité dans ses usages. Les batteries sont dotées d’une faible autonomie et posent la problématique de leur recyclage en fin de vie. Au regard des réglementations en vigueur et des initiatives politiques en faveur du développement de cette énergie, les véhicules électriques peuvent être un très bon choix dans le cas de trajets courts, en zones urbaines.

  • Les biocarburants

Il s’agit de carburants issus d’huiles végétales (biogazole), de sucres (bioéthanol). Ils peuvent être mélangés à l’essence ou au gazole. Ils peuvent être utilisés en complément ou en substitution d’un combustible fossile. Leur prix à la pompe est plus avantageux, moins de 1 € le litre. Les véhicules qui émettent moins de 250 g de CO2/km bénéficient d’un abattement fiscal. Cependant, ils entraînent une surconsommation de carburant et nécessitent de faire le plein régulièrement. De plus, toutes les stations ne les proposent pas à la pompe et leur efficacité est réduite en hiver, en raison des basses températures.

 

Face à de grands pays pollueurs comme la Chine ou les États-Unis, l’Europe veut toujours apparaître comme “le bon élève“.  D’où la mise en place de politiques sur la réduction des émissions de CO2 et le recours à d’autres énergies moins polluantes comme l’électrique ou les biocarburants. Mais il n’est plus possible de tout miser sur un seul type d’énergie pour proposer des solutions efficaces aux transporteurs. Adapter l’énergie à l’usage serait la meilleure piste à explorer pour concilier les enjeux économiques, politiques et environnementaux de l’ensemble des parties prenantes de la mobilité et du transport.

 

 

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Guillaume SOULARD
Guillaume SOULARD

INGENIEUR COMMERCIAL SOLUTIONS

Mes différentes expériences dans des environnements fortement concurrentiels mettent en évidence mon agilité et ma pugnacité/détermination pour réussir tous les défis avec rigueur et organisation, Aujourd'hui, en tant qu'Expert Solutions, je mets à profit mes 23 années dans le domaine du Transport et de la Logistique et mes expériences en tant que Key Account Manager (KAM), pour réussir dans un nouvel environnement vers les nouvelles technologies et les logiciels professionnels.


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