Hadopi : “Nous jouons un rôle pédagogique pour un usage responsable d’Internet dans les entreprises.”
La contrefaçon est plus qu’une atteinte à la propriété intellectuelle. Bien que des sanctions pénales existent, sécuriser les accès et protéger la création est un devoir qui invite entreprises et particuliers à consommer les contenus disponibles sur Internet de manière responsable. En France, la réglementation du WiFi public impose un cadre légal aux entreprises et aux collectivités - comme aux particuliers - sur l’usage et la sécurité des connexions à internet.
- Quelle est la responsabilité des entreprises et des collectivités dans la sécurisation de leur connexion à internet ?
- Qu’apporte l’Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des Œuvres et la protection des droits sur Internet) ?
- En cas d’infraction, quels sont les moyens d’action de l’Hadopi ?
- Quels sont les usages contrefaisants les plus courants aujourd’hui ?
- Quelles perspectives pour l’Hadopi dans les prochains mois ?
Nous avons interrogé l’Hadopi (Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet) sur ses missions principales, actuelles et à venir, auprès des entreprises et des collectivités. Rencontre avec Raphaël Berger, Directeur des Etudes et de l’Offre légale de l’Hadopi, qui nous partage les solutions à mettre en place pour lutter efficacement contre les usages frauduleux des accès Internet.
Quelle est la responsabilité des entreprises et des collectivités dans la sécurisation de leur connexion à internet ?
Raphaël Berger. : Les entreprises ou les collectivités, titulaires d’un abonnement à internet, ont la responsabilité pénale de l’utilisation et de la sécurisation de leur connexion internet (Wifi public ou filaire), au même titre que les particuliers. Toute entreprise privée ou publique est dans l’obligation de veiller à ce que sa connexion internet ne soit pas utilisée par un tiers à des fins de contrefaçons.
Au-delà des risques de virus et de spams contre lesquels les entreprises doivent se protéger, il est tout aussi important qu’elles mettent en place des solutions pour sécuriser leurs accès internet et réseaux partagés auprès de tiers afin de se protéger de toute consommation illicite de biens culturels dématérialisés. Aujourd’hui, la plupart des entreprises et des collectivités se disent bien informées et actives dans la démarche. En effet, selon une étude menée en début d’année 2021 par Hadopi, 63% des structures privées et 45% des administrations ont mis en place au moins une mesure de sensibilisation contre les usages illicites de leurs accès Internet. Pour cela, de nombreuses solutions techniques sont possibles : désinstallation des logiciels pair à pair, systèmes de filtrage, désactivation de la fonction du logiciel à télécharger par exemple.
Qu’apporte l’Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des Œuvres et la protection des droits sur Internet) ?
R.B. : L’Hadopi joue un rôle pédagogique auprès des entreprises pour amener les utilisateurs d’internet à protéger le droit d’auteur d’une œuvre culturelle dématérialisée et à les sensibiliser à un usage responsable de l’Internet. Il existe de nombreux types d’œuvres culturelles (film, musique, livre numérique, podcast, photo, image, Vidéo à la Demande, accessibles depuis de multiples contenus ou terminaux (site internet, ordinateur, application, smartphone, tablette, etc.) et aux modalités d’accès différentes : gratuit, paiement à l’acte et abonnement payant. Pour accompagner cette pluralité, des campagnes de sensibilisation sont menées, des ateliers pédagogiques sont créés, afin d’aider les utilisateurs à comprendre ce qui se cache derrière la création d’une œuvre culturelle et quels sont les moyens d’y accéder sans consommation illicite.
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En cas d’infraction, quels sont les moyens d’action de l’Hadopi ?
R.B. : Il existe plusieurs techniques d’accès aux œuvres sur internet : le pair-à-pair (téléchargement de l’œuvre avec un logiciel spécifique auprès d’autres internautes), le streaming (diffusion directe sur internet sans téléchargement préalable) et le téléchargement direct (un lien vous mène vers le fichier souhaité, qui est stocké par une seule personne). Ces techniques ne sont pas illégales en elles-mêmes. Tout dépend de la source de l’offre et de l’utilisation de l’internaute.
Pour lutter contre les usages contrefaisants, l’Hadopi a pour principale compétence d’utiliser la procédure de réponse graduée avant que la justice ne soit saisie. Cette mesure a un effet dissuasif qui porte ses fruits en cas de piratage constaté. Elle consiste à envoyer deux avertissements à l’utilisateur de biens culturels illicites dématérialisés. L’amende encourue peut varier de 1 500 à 7 000 euros.
Quels sont les usages contrefaisants les plus courants aujourd’hui ?
R.B. : À la création de l’Hadopi en 2009, le pair-à-pair (peer to peer en anglais) ou téléchargement entre ordinateurs était très populaire. Il ne représente plus que le quart des piratages, ce qui le rend minoritaire aujourd’hui. A l’heure actuelle, ce sont les techniques de streaming ou de téléchargement direct qui sont les plus fréquemment utilisées et les plus difficiles à saisir. Si un service de streaming ou de téléchargement est saisi, un site miroir peut réapparaître à une autre adresse par exemple. Par ailleurs, on constate une recrudescence de sites de streaming illicites avec les événements sportifs qui rassemblent beaucoup d’internautes.
Quelles perspectives pour l’Hadopi dans les prochains mois ?
R.B. : Les députés viennent d’approuver le projet de loi sur la régulation et l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. L’Hadopi va donc fusionner avec le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) au 1er janvier 2022 pour devenir l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), le régulateur de la communication audiovisuelle et numérique.
L’Arcom aura des compétences élargies, notamment en matière de lutte contre les usages frauduleux. En effet, la nouvelle entité pourra s’attaquer aux sources (les entités qui organisent le piratage des œuvres dématérialisées) et établir une liste noire des sites qui portent atteinte de manière grave et répétée au droit d’auteur. Cela aidera à fournir des preuves avant et après la décision de justice et d’assurer une continuité dans le blocage du système DNS (Domain Name Serveur = nom de domaine en français) des sites illégaux.
En conclusion, bien qu’il existe des solutions techniques pour lutter contre les usages frauduleux des accès Internet (Wi-Fi public ou filaire) et la contrefaçon des œuvres culturelles sur internet, elles ne peuvent pas protéger les entreprises ou les collectivités à 100%. Le meilleur système de lutte contre le piratage reste la sensibilisation des utilisateurs d’internet en amont des sanctions délivrées par la justice.