Financement des réseaux – Quelle contribution demander aux géants du web ?

15 septembre 2022

Actualité

En dix ans, notre consommation en données 4G depuis les réseaux mobiles ne cesse d’augmenter. Les infrastructures télécoms ont dû s’adapter et se transformer pour répondre à la demande croissante des consommateurs en bande passante. Les opérateurs de télécommunication estiment à près de 300 milliards les investissements supplémentaires à réaliser dans les prochaines années pour continuer de déployer la technologie nécessaire. Dans quelle mesure peut-on faire participer financièrement les six géants du web qui génèrent à eux seuls plus de 50% du trafic de données ?
50% du trafic de données 4G sur les réseaux mobiles est généré par les six géants du web. L’Europe peut-elle leur imposer de participer financièrement des infrastructures ? 50% du trafic de données 4G sur les réseaux mobiles est généré par les six géants du web. L’Europe peut-elle leur imposer de participer financièrement des infrastructures ?

Au cours de la dernière décennie, l’utilisation de l’Internet a envahi le quotidien de millions d’Européens. Notre consommation en données 4G depuis les réseaux mobiles ne cesse d’augmenter. Pour y faire face, les opérateurs de télécommunication ont dû transformer leurs infrastructures et investir des milliards d’euros.

Ils estiment à près de 300 milliards d’euros les investissements supplémentaires à réaliser dans les prochaines années pour adapter les réseaux. Pour les financer, les opérateurs français et européens demandent la contribution des six géants du web qui génèrent à eux seuls plus de 50% du trafic. Mais cela est-il possible ?

Revenons sur le contexte de ces échanges pour expliquer les chiffres et la situation de blocage rencontrée aujourd’hui entre les opérateurs télécoms et les GAFAM.

Des milliards d’euros investis par les opérateurs dans les réseaux fixes et mobiles

Selon les chiffres partagés par la Fédération Française des Télécoms (FFT), notre consommation de trafic de données croît chaque année avec un pourcentage à deux chiffres.

Pour faire face à la hausse constante de la consommation, les réseaux de télécommunications fixes et mobiles s’adaptent et se modernisent. Les solutions cuivre et 3G ont été remplacées par des réseaux à très haute capacité beaucoup plus avancés, notamment le FTTH et la 5G.

Cette transformation a évidemment un coût substantiel. Selon le rapport de l’ETNO¹, les opérateurs européens ont investi plus de 500 milliards d’euros au cours des dix dernières années dans le développement de leurs réseaux de télécommunications fixes et mobiles en Europe.

À titre d’exemple, les opérateurs de télécommunication français estiment à 88 milliards leurs investissements entre 2011 et 2020 pour entretenir et déployer de nouvelles infrastructures télécoms. Les montants annuels atteignent désormais plus de 10 milliards d’euros, soit l’équivalent de 126 hôpitaux ou de 800 écoles.

Par ailleurs, selon une étude menée par la FFT en 2021, les offres fixes et mobiles des opérateurs français sont parmi les plus basses du marché européen et mondial. Après des revenus en baisse en 2020, impactés par la crise sanitaire, les revenus des opérateurs enregistrent une hausse de seulement 2,5% en 2021 (= un CA cumulé de 36,1 milliards d’euros HT).

Ces investissements privés sont nécessaires pour s’adapter à la hausse croissante du trafic de données consommées sur les réseaux mobiles pour partager des photos / vidéos, regarder des vidéos en ligne, jouer en ligne, etc.

Les clients actifs sur les réseaux 4G consomment en moyenne 12 Go par mois en 2021. Mais il convient de noter que l’essentiel de la croissance du trafic de données au cours de la dernière décennie est généré par seulement 5 ou 6 fournisseurs, à savoir les géants du web.

 

Lire aussi “Réseaux mobiles et territoires : quelle feuille de route pour les collectivités ?”

La moitié du trafic sur les réseaux est générée par les 6 géants du web

Tous les acteurs reconnaissent que six entreprises de la tech – Google, Facebook, Amazon, Apple, Microsoft et Netflix – génèrent plus de la moitié du trafic. Les usages multimédias, applications et réseaux sociaux qu’ils proposent sont à l’origine de la croissance exponentielle de la consommation de data sur les réseaux mobiles.

Contrairement aux opérateurs télécoms, ils ont apporté peu ou pas de contribution financière au développement des réseaux nationaux, pourtant nécessaires au maintien de leurs performances.

Or les GAFAM cumulent un chiffre d’affaires de 1350 milliards de dollars entre septembre 2020 et septembre 2021, pour un bénéfice net de 300 milliards. Chacune des sociétés enregistre un pourcentage de croissance compris entre 43% et 98% (!). Ils auraient largement les moyens de participer financièrement au déploiement de la fibre et de la 5G sur le territoire européen.

La neutralité du web est-elle possible ?

La Commission européenne voudrait mettre en place une « juste contribution » des géants du web. C’est-à-dire les faire participer au financement des infrastructures qu’ils exploitent pour développer leur chiffre d’affaires.

Les GAFAM (+Netflix) sont à l’origine du besoin des consommateurs d’avoir des services plus volumineux et gourmands en ressources. Les opérateurs télécoms français et européens ont estimé à près de 300 milliards d’euros les investissements à réaliser dans les prochaines années, sur les réseaux de télécommunications fixes et mobiles. Ils réclament que les géants du web participent au financement des infrastructures requises (déploiement de la fibre et de la 5G en Europe) par leurs services en matière de bande passante et d’évolution technologique.

La Commission européenne va plus loin en voulant introduire des surcoûts d’accès aux réseaux pour les géants du Net, en fonction de la consommation de la bande passante. La question majeure que se posent tous les acteurs du secteur d’activité : une régulation est-elle possible par l’Europe ? Bruxelles peut-elle réellement taxer les GAFAM ?

Mais de cette question (et de la réponse), découle un autre enjeu. Que se passe-t-il si un ou plusieurs géants du web refusent de participer ? Peuvent-ils être pénalisés ?

La question est loin d’être tranchée. Elle sera au cœur des débats lors des prochaines commissions européennes, d’autant qu’elle touche du doigt la notion même de neutralité du web.

 

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¹ L’Etno a publié un rapport intitulé « l’écosystème Internet européen : avantages socio-économiques d’un équilibre plus juste entre les géants de la technologie et les opérateurs de télécommunications »

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Thibault Daudé
Thibault Daudé

Chef de produit accès internet fixe et mobile sur le marché national

Thibault Daudé est chef de produit accès internet fixe et mobile sur le marché national, il est en charge de l’évolution des produits d’accès internet et VPN IP et de leur développement commercial. Dans la vie, Thibault est passionné de natation, de randonnée en montagne et d’art contemporain. Il a choisi les télécoms en lien avec sa passion pour les réseaux et les infrastructures. Son gadget préféré ? son smartphone pour consulter les dernières news télécom sur twitter.


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